Coexistences - ce que l’animalité nous apprend

La Station 13 fait converger une multiplicité de pratiques de recherches, tant artistiques que scientifiques, prenant acte de nos liens avec l’animal. Longtemps mis à distance de la pensée philosophique et scientifique, l’animal, dès lors qu’il investit les lieux de l’analyse critique, bouscule nos pratiques de connaissance, en révèle les points aveugles. Aujourd’hui intégré aux champs de l’anthropologie, de la sociologie, etc., l’animal fait résonner par ses modalités de présence nos propres spécificités et cadres normatifs. Selon la transdisciplinarité constitutive du Laboratoire espace cerveau, il s’agira ainsi pour cette station de décentrer notre regard vers la multiplicité des êtres qui compose le monde et d’envisager ainsi d’autres manières de l’habiter.

Œuvres à l'étude

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Dana-Fiona Armour, Vue de l’exposition Ich werde Deine Haut haben, aux Beaux-Arts de Paris, 2018

© Dana Armour

Dana-Fiona Armour travaille avec des produits porcins, matériellement les plus proches de l’humain. Masque au visage, les mains gantées et munie d’un scalpel - elle opère une mue en suivant plusieurs protocoles de recouvrement, d’altération et de reproduction. Réduits à des formes minimales ou à des data chiffrées, les corps d’où surgissent les formes d’Armour traduisent cet état de réduction de soi à une image, un avatar ou un étalon d’échange.

 

 

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Sarah Del Pino, Rêvent-elles de robots astronautes ?, 2017
Vidéo HD, 25 min

© Sarah Del Pino

Dans une esthétique de science-fiction, la caméra abandonne peu à peu le monde des humains pour pénétrer dans un monde parallèle. Nous découvrons un microcosme fabriqué par l’Homme : une ferme de vaches laitières autogérée par des logiciels informatiques. 

 

 

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Michihiro Shimabuku, Octopuses Stones [Pierres de pieuvres], 2013-2017
Pierres et coquillages

© Michihiro Shimabuku

Shimabuku expérimente différentes interactions possibles avec le vivant afin de repousser les limites physiques ou imaginaires. Ses œuvres sont très souvent accompagnées du récit de leur conception, révélant la part due au hasard. « Les pieuvres ramassent souvent des pierres et des coquillages du fond de la mer. On découvre, en retirant les pièges de l’eau, que les pieuvres agrippent des objets. Parfois le pot est rempli de pierres et de coquillages. Certaines pieuvres aiment les pierres, d’autres préfèrent les coquillages. Certaines tiennent des morceaux de verre ou des pierres rouges. J’aime à collectionner ces objets à mon tour et à les admirer.» Dans une mise en abyme complexe du travail de l’artiste, ces quelques mots confèrent une aura à ces débris marins. 

 

 

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Tomás Saraceno, Webs of At-tent(s)ion, 2018
76 cadres d’araignées, soie d’araignée, fibre de carbone

Tomás Saraceno, ON AIR, Carte blanche au Palais de Tokyo, Paris, 2018
Commissaire : Rebecca Lamarche-Vadel
Courtesy de l’artiste ; Andersen’s, Copenhague ; Esther Schipper, Berlin ; Pinksummer Contemporary Art, Gênes ; Ruth Benzacar, Buenos Aires ; Tanya Bonakdar Gallery, New York.
© Photographie Andrea Rossetti, 2018

Webs of At-tent(s)ion
est une constellation de sculptures tridimensionnelles. Elles ont été tissées conjointement par différentes espèces d’araignées n’ayant pas pour habitude de vivre ensemble. Ce sont donc des toiles hybrides, des architectures nées de la rencontre de mondes sensoriels différents. Elles nous permettent d’imaginer de nouvelles formes de communication et de coopération entre les espèces.    

 

 

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Hubert Duprat, Sept tubes de trichoptères, 1980-1997
Or, perles, pierres précieuses et semi-précieuses.
Largeur : 2 cm, diamètre : 0,5 cm

Collection FRAC Lorraine
© Hubert Duprat

Depuis les années 80, Hubert Duprat se remarque par son travail sur, ou plutôt avec, les trichoptères. Ces larves aquatiques se confectionnent un fourreau protecteur avec les matériaux qu’elles trouvent au fond des rivières : grains de sable, débris végétaux, coquilles, etc. En capturant ces larves et en leur ôtant leur étui, Hubert Duprat les plonge ensuite dans des aquariums, en atelier, dont le fond est tapissé de paillettes d’or, de perles et d’autres matières précieuses, contraignant ainsi l’animal à se confectionner un splendide ouvrage d’orfèvrerie. Si le contraste entre l’éclat de ces matières cosmétiques et le dégoût organique que la larve peut inspirer est frappant, ce sont surtout les rapports de la nature et de l’artifice qui sont brouillés. Qui œuvre ? La larve ou l’artiste ? Et qui est l’artiste ? 

 

 

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Robin Meier & Ali Momeni, The Tragedy of the Commons, 2011
Photos et vidéo de Palagret en Creative Commons

© Robin Meier & Ali Momeni

The Tragedy of the Commons [La tragédie des biens communs] consiste en une installation où des milliers de fourmis Atta – surnommées fourmis coupe-feuilles – produisent une chorégraphie en réagissant à des couleurs et à des odeurs judicieusement choisies. Le dispositif de Robin Meier & Ali Momeni met en scène « la tragédie des biens communs », une théorie controversée de Garrett Hardin selon laquelle « l’accès libre à une ressource limitée pour laquelle la demande est forte mène inévitablement à la surexploitation de cette ressource et finalement à sa disparition. Chaque individu ayant un intérêt personnel à utiliser la ressource commune de façon à maximiser son usage individuel, tout en distribuant entre chaque utilisateur les coûts d’exploitation, est la cause du problème. »

 

 

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Daniel Steegmann Mangrané, Phasmides, 2008-2012
Film couleur 16 mm converti en vidéo HD, muet, 22 min 41 s
Dimensions de projection : 130 x 95 cm

© Daniel Steegmann Mangrané

Inspiré par la théorie du perspectivisme amérindien de l’anthropologue Eduardo Viveiros de Castro, l’artiste trouble les propriétés habituellement attribuées aux différentes catégories d’êtres. Sa rencontre inopinée avec un insecte-brindille, en 2008, est décisive. Paradoxe vivant, le phasme incarne des oppositions que l’artiste veut désamorcer : l’animé et l’inanimé, le non humain et l’humain, l’organique et le géométrique, le chaos et l’ordre... Plus largement, la nature et la culture. 

Intervenant·e·s


Frédéric Joulian
Entre éthologie et anthropologie : comprendre les relations interspécifiques
Maître de conférences à l’EHESS, responsable du Programme de Recherches Interdisciplinaires (PRI) « Évolution, Natures et Cultures», chercheur associé au Laboratoire d’Anthropologie Sociale du Collège de France, et au Laboratoire d’Archéologie Africaine de l’Université de Paris-Nanterre

Pierre Montebello
Expression animale
Philosophe, professeur de philosophie moderne et contemporaine à l’Université de Toulouse, auteur de Métaphysiques cosmomorphes, la fin du monde humain (les presses du réel, 2015)

Jocelyne Porcher
Le travail animal, une utopie de la coopération ?
Sociologue et zootechnicienne, directrice de recherches à l’Institut National de la Recherche Agronomique

Bertrand Prévost
Les animaux sans animalisme
Historien et théoricien de l’art, maître de conférences HDR en histoire de l’art et esthétique à l’Université Bordeaux- Montaigne

Aline Wiame
La pensée est parfois plus proche d’un animal qui meurt que d’un homme vivant, même démocrate
Maître de conférences en arts et philosophie à l’Université Toulouse-Jean Jaurès

Modération Cyrille Noirjean

Œuvres à l'étude


Dana Armour, Sarah Del Pino, Hubert Duprat, Robin Meier & Ali Momeni, Tomás Saraceno, Shimabuku, Daniel Steegmann Mangrané

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Journée d'étude

Sur une proposition d’Ann Veronica Janssens et Pierre Montebello


Vendredi 14 décembre 2018, de 10h-12h30, puis 14h-17h à l'Amphithéâtre des Loges, École nationale supérieure des beaux-arts, Paris


Entrée libre
Facebook live dès 10h

Inscription Beaux-Arts de Paris
+33(0)1 47 03 54 58

Déroulé de la Station 13

Synthèse de la Station 13

Enregistrements de la journée d'étude :

Ressources


télécharger les propos de Frédéric Joulian recueillis par Cécile Breton, intitulé « Primates en culture », dans le « Dossier Primatologie » paru dans ESPÈCES, n°6, en 2012. 

télécharger
l’article de Frédéric Joulian et Christophe Abegg « Zoos et cause animal : Perspectives éthologique et anthropologique », dans « Les natures de l’homme – II », Techniques & culture, n°50, 2008.

regarder le film de Frédéric Joulian, Koko, Qui ? Que ? Quoi ?, un entretien filmé de 16 min à propos du film de Barbet Schroeder, Koko, le gorille qui parle, 1978. Bonus réalisé pour la sortie DVD du Film, édité par Carlotta Films, et réalisé par Allerton Film, en 2006.

consulter le dossier « Réparer le monde. Excès, reste et innovation », paru dans Techniques & culture, n°65-66, sous la direction de Frédéric Joulian, Yann-Philippe Tastevin et Jamie Furniss aux éditions EHESS, Workshop International, Mucem, Marseille, en 2014.

découvrir l’article de Frédéric Joulian et Gil Bartholeyns, « Faire corps », paru dans « Le corps instrument - Introduction », Techniques & culture, n°65-66, en 2014. 

Participant·e·s


Denis Cerclet

Anthropologue, maître de conférences à l’Université Lumière Lyon 2
Olivier Hamant
Biologiste, directeur de recherches du Laboratoire de Reproduction et de Développement des Plantes à l’École Normale Supérieure de Lyon, chercheur associé au Laboratoire Sainsbury, Cambridge, professeur associé à l’Université Kumamoto (Japon)
Hélène Meisel
Docteure en Histoire de l’art, chargée de recherche et d’exposition, Centre Pompidou-Metz
Cyrille Noirjean
Directeur de l’URDLA, psychanalyste (membre de l’Association Lacanienne Internationale)
Arnauld Pierre
Historien de l’art, professeur à l’Université Paris IV-Sorbonne
Jean-Louis Poitevin
Docteur en philosophie, écrivain et critique d’art
Alexandre Wajnberg
Journaliste scientifique à la RTBF (Journal parlé de Radio Une, Bruxelles)
Jean-Jacques Wunenburger
Professeur émérite de philosophie, doyen honoraire de la Faculté de Philosophie de l’Université Lyon 3 (2000-2010), ancien directeur de l’Institut de Recherches philosophiques de Lyon (2004-2011), président de l’Association internationale Gaston Bachelard, co-directeur du Centre de Recherches internationales sur l’Imaginaire

Et les artistes : Clarissa Baumann, Benjamin Blaquart, Alys Demeure, Célia Gondol, Jérôme Grivel, Héloïse Lauraire, Sandra Lorenzi, Théo Massoulier, Stéphanie Raimondi, Linda Sanchez, Vahan Soghomonian, Floryan Varennes, Mengzhi Zheng