Vers un monde cosmomorphe
retour sur la Station (1)0
Ana Mendieta & Giuseppe Penone

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Ana Mendieta, Burial Pyramid (film still), 1974

Film Super 8mm transféré sur support numérique haute définition, couleur, muet, 3’17’’
Courtesy de la Galerie Lelong & Co.
© The Estate of Ana Mendieta Collection LLC


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Giuseppe Penone, Soffio di foglie [Souffle de feuilles], 1979-2015

Feuilles de myrte
© photo Marian Goodman Gallery


Faire varier, intensifier, s’essayer à de nouveaux modes de perception nous mène à redéfinir notre relation à l'espace. Avec ce processus immersif, nous nous étendons aux multiplicités de vies et d'expériences sensibles qui nous entourent. Le Laboratoire a amorcé depuis la station (1)0 le cycle Vers un monde cosmomorphe avec des œuvres qui s’affranchissent des limites entre corps et esprit, corps et espace, humain et non-humain. Ce passage de l'immersion à l'osmose, de la perception à la fusion, s'envisage à travers les œuvres d'Ana Mendieta et de Giuseppe Penone, deux artistes expérimentateurs qui renouent notre corps à la terre et sollicitent l'imaginaire pour dessiner des relations organiques entre l'homme et le cosmos.

Ana Mendieta a consacré la majeure partie de son travail à retrouver des liens entre la nature et le corps féminin à travers la performance, la sculpture et l’art vidéo. Avec sa série Siluetas, réalisée à partir de 1972 dans l’Iowa et au Mexique, elle laisse les traces de sa silhouette dans l’espace naturel, créant un dialogue entre ces deux sources de vie. Dans le film Burial Pyramid de 1974, son corps émerge progressivement d’un monticule de pierres dans un lent frissonnement qui peut être une naissance comme une disparition. Les limites du corps et de son environnement sont brouillées, et la frontière entre le corps et son dehors disparaît peu à peu.

On retrouve chez Giuseppe Penone cette porosité, faisant de son corps une continuité de l’élément naturel - et inversement - révélant une connaissance intime et tactile des processus vitaux. Considéré comme un acteur de l’Arte Povera (art pauvre), il mêle dans ses sculptures des corps végétaux (les arbres, les feuilles), des corps minéraux (les rivières, le sable), des corps humains, des corps immatériels (la respiration, la mémoire). Dans Soffio di foglie, c'est son souffle et son poids qui font empreinte sur un amas de feuilles, éparpillées à même le sol.

micro Labo

Découvre, explore et expérimente !


Ana Mendieta et Giuseppe Penone utilisent des objets naturels pour réaliser leurs œuvres. Fabrique un porte-bonheur à partir d’éléments naturels que tu auras collectés : il se fondra dans la nature !

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macro Labo

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Giuseppe Penone, Être fleuve, 1981

Pierre naturelle et pierre taillée
40 x 40 x 50 cm env. chacun
Collection particulière, Turin
© photo Salvatore Mazza, 1981

Giuseppe Penone, Soffio di foglie [Souffle de feuilles], 1979-2015

Feuilles de myrte, empreinte du corps de l’artiste
Photographie réalisée lors de la réalisation de l’œuvre, à l’occasion de l’exposition L’empreinte, à la Galerie Sud - Centre Georges Pompidou, Paris, du 19 février au 12 mai 1997.
© photo Archivio Penone

 
Ana Mendieta, Burial Pyramid (film still), 1974

Film Super 8mm transféré sur support numérique haute définition, couleur, muet, 3’17’’
Courtesy de la Galerie Lelong & Co.
© The Estate of Ana Mendieta Collection LLC

Ana Mendieta, Imágen de Yágul, issue de la série Silueta Works in Mexico 1973-1977, 1973

Photographie couleur
Courtesy Galerie Lelong & Co.
© The Estate of Ana Mendieta Collection LLC


« Selon moi tous les éléments sont fluides. La pierre même est fluide : une montagne s’effrite, devient sable. Ce n’est qu’une question de temps. »

Giuseppe Penone, cité par Germano Celant dans Giuseppe Penone, trad. de l’italien par A. Machet. Milan-Paris : Electa, 1989.

« Mon art est fondé sur la croyance en une énergie universelle qui traverse tout : de l'insecte à l'homme, de l'homme au spectre, du spectre à la plante, de la plante à la galaxie. »

Ana Mendieta, citée par Olga Viso dans Unseen Mendieta : The Unpublished Works of Ana Mendieta. Munich : Prestel, 2008, p. 150.

En creux, en plein, les œuvres de Giuseppe Penone et Ana Mendieta semblent provenir de la même fusion du corps à la terre : un poids laissé par le corps sur un tas de feuilles, de la chair qui disparaît ou apparaît sous les rochers au rythme d’une respiration. Que les éléments viennent dans l’espace d’exposition ou que l’artiste sorte de ce dernier, c’est à chaque fois la disparition de l’homme qui s’impose violemment à travers des présences-absences. Ces impressions charnelles rejoignent alors une « absence de forme » et une « dimension d'illimité » qui caractérisent le sublime selon Kant*, intuition que reprenait l'exposition Sublime. Les tremblements du monde au Centre Pompidou-Metz.

Délaissant le statut d'artiste comme celui de sujet individuel, ces œuvres semblent parcourues par un même débordement : celui d’un désir de dissolution qui nous fait entrer dans une fusion presque panthéiste avec la nature, laissant alors un vide, une place pour des possibilités de métamorphoses.

* Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, 1790, éd. GF, trad. Renaut.

 

 

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« Décentré de l’univers, l’Homme se place dans cette vision à l’intérieur d’un ensemble plus vaste que lui, empreint de multiplicités dynamiques en interaction. »

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Station (1)0
Lancement du cycle / Vers un monde cosmomorphe

Station 11
Le vivant, du cosmos à la Terre

«... si du cosmos à la Terre, ce n’est certes plus la même Terre humanisée et ordonnancée qui est centrale, ce n’est plus non plus le même cosmos qui se donne à voir et à penser. Débordent en lui des puissances sombres, germinales, vitales que l’art et la pensée captent à nouveau. »

Extrait de la synthèse de la Station 11, par Pierre Montebello.

Ana Mendieta (1948-1985) 

Née à Cuba, séparée de sa famille à 12 ans suite au coup d’État castriste et élevée aux États-Unis, Ana Mendieta interroge sa vie durant cet arrachement au pays natal et développe les thèmes de la disparition et de l’enracinement. À travers de nombreuses performances, films et photographies, son travail sur le corps met en relation la double oppression faite aux femmes et à la nature. Avec des gestes de purification, de réparation et de fusion, elle invente de nouveaux rituels dans une vision syncrétique pour retrouver une place dans les cycles vitaux. L’eau et le feu, le sang et la fumée, les pierres et la terre, habitent ces paysages de renaissances.

Giuseppe Penone

Sans enseignement artistique, Giuseppe Penone arrive tardivement au sein du mouvement de l’Arte Povera tout en s’intéressant à l’art minimal. La nature et son propre corps sont les thèmes récurrents de son œuvre. Loin d’imiter la nature, il répète son processus de création en se fondant sur sa dynamique. Par là, il souligne que la nature se sculpte elle-même et, qu’inversement, la sculpture est un geste végétal.

Liens

L’exposition De l’immersion à l’osmose interroge les bouleversements de notre inscription au monde, que l'on découvre dans un parcours expérimental et sensible fait de nombreux passages entre terre et cosmos.     
→ consulter la page de l'exposition De l'immersion à l'osmose - Chaosmose #2, du 17 mars au 21 juillet 2019, la collection IAC au frac île-de-france, le château/Parc culturel de Rentilly

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